La notion de bénéficiaire effectif
Par Delya DOUGLAS, membre OLAB, juriste spécialiste en LCB-FT et contrôle interne, 2 octobre 2018.
La notion de bénéficiaire effectif résulte de la transposition de la 3ème directive LCB-FT et pose les critères de détention de plus de 25 % du capital ou des droits de vote d’une société cliente, et de l’exercice, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société au sens du code de commerce.
À cet égard, lorsque les statuts d’une société cliente prévoient qu’aucun actionnaire ne peut détenir plus d’un pourcentage inférieur à 25% du capital d’une société cliente, la Commission des sanctions de l’ACPR a décidé qu’il appartient à l’organisme de rechercher si une ou plusieurs personnes exerçaient en fait un pouvoir de contrôle sur l’administration de la société cliente afin d’identifier le ou les bénéficiaires effectifs (Décision CS Axa France Vie – n°2015-08).
Ainsi, les organismes assujettis sont tenus d’identifier et de vérifier l’identité du bénéficiaire effectif de leurs clients en relation d’affaires. Les documents recueillis à ce titre doivent être régulièrement actualisés, tout comme pour le client en relation d’affaires. Dans les établissements de crédit, les documents sont généralement mis à jour à leur échéance, sauf pour les documents tels que les bilans ou les mises à jour de KBIS mais cette actualisation ne constitue pas de difficulté majeure pour ce type d’organisme.
Dans les situations de montages complexes impliquant plusieurs sociétés ou constructions juridiques de type trust, les organismes assujettis éprouvent des difficultés à identifier et vérifier l’identité du bénéficiaire effectif de leurs clients, ce qui peut conduire à la rupture de la relation d’affaires. Par exemple, lors de l’ouverture d’un compte au nom d’une personne morale cliente, un manque de compréhension a pu être constaté car certains bénéficiaires effectifs ne comprennent pas la nécessité de fournir leur pièce d’identité et surtout leur justificatif de domicile, alors qu’il ne sont ni gérant de la société, ni mandataire sur ledit compte. Les établissements de crédit ont donc un vrai rôle d’information à jouer auprès de leur client. Il semble qu’au fil du temps, les bénéficiaires effectifs acceptent de fournir plus facilement les documents nécessaires.
Apports de la 4ème directive LCB-FT
La 4ème directive LCB-FT a permis de préciser la notion de bénéficiaire effectif. D’une part, l’article L.561-2-1 du CMF dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-1635 transposant la 4ème directive LCB-FT vient préciser la notion de relation d’affaires en tant qu’elle inclut explicitement le bénéficiaire effectif.
D’autre part, le décret n° 2018-284 transposant la 4ème directive LCB-FT a précisé la définition de « bénéficiaire effectif » des clients personnes morales, placements collectifs, constructions juridiques de type fiducies ou trusts (art. R. 561-1, R. 561-2, R. 561-3, et R. 561-3-0 nouveau du CMF). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 21 avril 2018, par exception aux autres dispositions du décret.
En outre, le décret introduit la notion de bénéficiaire effectif par défaut, qui s’applique dans le cas où l’organisme financier n’aurait pas été en mesure d’identifier le bénéficiaire effectif selon les critères posés par le texte. En effet, dans ce cas de figure, il s’agit du représentant légal de la personne morale cliente.
A cet égard, la mise en place du registre des bénéficiaires effectifs des sociétés – tenus par les tribunaux de commerce – constitue une aide pour les organismes assujettis sans pour autant exempter ces derniers de leurs obligations d’identification et de vérification de l’identité des bénéficiaires effectifs. Il est d’ailleurs intéressant de noter que certains Etats membres de l’UE n’ont toujours pas mis en place de tels registres, ce qui va probablement retarder l’interconnexion entre les registres des bénéficiaires effectifs prévue par le 5ème directive LCB-FT.
Il faut enfin remarquer que ces nouvelles dispositions se combinent avec les dispositions applicables aux personnes politiquement exposées (PPE): le bénéficiaire effectif d’un client personne morale, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation, le cas échéant son bénéficiaire effectif entrent dans la notion de PPE. Les organismes assujettis ont dès lors l’obligation d’identifier et de vérifier l’identité de ces personnes ainsi que de leur appliquer les mesures de vigilance complémentaires spécifiques aux PPE.
Apports de la 5ème directive LCB-FT
Tout d’abord, une preuve d’enregistrement ou un extrait du registre contenant les informations relatives aux bénéficiaires effectifs devra être recueilli par les organismes assujettis lors de l’entrée en relation avec une personne morale ou une entité concernée par l’obligation d’enregistrement.
Par ailleurs, les organismes assujettis et les autorités nationales compétentes devront déclarer aux teneurs de registres les éventuels écarts constatés en ce qui concerne les éléments d’identité relatifs aux bénéficiaires effectifs.